[RETROGAMING] Illusion of Time / Snes

Publié le par Locals

ILLUSION OF TIME
Support : SNES
Editeur : Enix
Développeur : Quintet
Année : 1995 (en France)


Le test en audiorama :
http://www.gamopat-forum.com/t92185-test-illusion-of-time

[RETROGAMING] Illusion of Time / Snes

La SNES est reconnue pour avoir accueilli la fine fleur des Action-RPG et les années 90 sont considérées par nombre d'entre nous comme l'âge d'or du genre. Je ne suis pas là pour alimenter ce débat mais plutôt pour me replonger avec vous au cœur de cette période, en 1995, au travers de l'effeuillage d'un titre iconique: Illusion of Time.


Illusion of Time (Illusion of Gaïa aux US) est un titre aux influences multiples développé par le studio Quintet et édité par Enix. Il est bien souvent considéré comme le deuxième opus d'une (indûment nommée) trilogie composé de Soul Blazer et Terranigma, tous trois sortis sous nos contrées entre 1994 et 1998. IOT étant de loin le plus connu, Soul Blazer ayant été 8 fois moins diffusé et Terranigma localisé en France 3 ans après sa sortie Japonaise au crépuscule de la vie de la console, quelques mois seulement avant la sortie d'Ocarina of Time et de la... Dreamcast ! 

JV le mag a consacré il y a quelques mois de cela un mini-dossier sur les thèmes abordés par le jeu et un doute m'a alors envahit... suis-je passé à côté du message profond d'un jeu que j'ai pourtant parcouru une demi-douzaine de fois ces 20 dernières années ? Allez-hop! pour en avoir le cœur net j'allume mon tube, je souffle dans la cartouche et c'est parti... POUR LA GRANDE AVENTURE !

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Vous incarnez Paul, un jeune orphelin au cœur pur doté depuis l'enfance d'un mystérieux don de télékinésie. Son père explorateur meurt dans un naufrage tandis qu'il était à la recherche de la mystérieuse tour Pandémone. Paul qui participait au voyage survécu mais  souffre depuis ce jour d'amnésie. A la suite de ce drame, Paul est élevé par ses grands parents dans un paisible port de pêche. 

L'aventure débute sur la découverte d'un portail dimensionnel dans lequel Paul rencontre l'esprit de la terre. Il apprend de Gaïa qu'une comète va entrer en collision avec notre planète et que lui seul peut sauver l'humanité... Paul devra rassembler les 6 statues Hexade cachées aux quatre coins de la planète dans des ruines antiques afin d'empêcher ce funeste destin de se réaliser.

Paul n'est pas seul dans sa quête à devoir supporter ce lourd fardeau. Il peut compter sur ces amis d'enfance Luc, Jonas et Eric, sur l'étrange Lily et enfin sur Flora, une princesse prétentieuse, bornée, précieuse, pimbêche et un peu égoïste sur les bords. du moins en apparence. Car il s'agit bien de cela,  des apparences...  mais nous en reparlerons à la fin de ce test, place au Gameplay!

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Le game design du jeu est des plus classique, vous explorez des villages afin d'obtenir des indices sur la localisation des statues Hexades auprès des différents PNJ. Les rebondissements du scénario vous mèneront ainsi aux quatre coins du monde visiter des ruines antiques. Il est sympa de noter que certains lieux existent vraiment: les dessins mystiques de Nazca, ou la grande muraille par exemple. C'est également vrai pour certains personnages comme le peintre Degas ou l'écrivain Kafka! 

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Les sanctuaires dans lesquels sont cachées les statues Hexade font office de donjons. Et qui dit Donjon dit combats d'ennemis cela va de soi. A-RPG oblige l'action se déroule en direct, Paul frappe à l'aide d'une épée ses adversaires et au fil du jeu apprendra des pouvoirs supplémentaires qui lui seront utiles autant en combat que pour progresser dans son environnement. La glissade lui permet par exemple d'éviter les projectiles ennemis mais également de se faufiler dans les passages étroits et autre soupirail. Paul dispose également d'un bâton qui actionne son pouvoir de télékinésie, lui permettant de déplacer certains objets par la pensée. Les énigmes ne sont pas insurmontables mais la structure des lieux est souvent retorse et il arrive fréquemment que l'on se perde. Toutefois une mini carte à l'écran indique la localisation des ennemis que vous n'avez pas encore occis, ceux-ci devenant rapidement les petits cailloux de votre périple. Aussi ce n'est pas un hasard si le système de levelling est basé sur le nettoyage d'une zone. Parfois indispensable pour progresser, parfois facultatif, éliminer tous les ennemis d'un écran vous octroie tour à tour un bonus de vie, de défense, d'attaque ou ouvre un chemin inaccessible jusqu'alors. Un sanctuaire en particulier figure dans mes meilleurs souvenirs de joueur: Les Jardins Célestes qui invitent le joueur à parcourir le "la lumière" et "l'ombre" d'un îlot Flottant surplombant Nazca à la recherche de 4 joyaux, le tout porté par une bande son inoubliable que vous, les barbus les plus observants écoutez en ce moment même. 

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Des portails dimensionnels semblables à celui du début du jeu font office de check points dans les donjons et de lieu de sauvegarde. En sus de restaurer votre énergie vitale vous découvrirez en ces lieux que Paul possède en lui l'esprit du guerrier Chrysaor, le chevalier noir et dont il peut revêtir la forme pour progresser. Chrysaor est plus puissant et dispose de ses propres pouvoirs. Il faut alors régulièrement changer de forme pour résoudre les énigmes et progresser. Si l'aventure ne vous impose nullement de retourner dans un lieu déjà visité qu'en de rares exceptions, il n'en est pas de même dans tous les donjons. Dans certains d'entre eux et une fois terminés il faut rebrousser chemin pour ressortir, ce qui est passablement irritant. A noter également que la maniabilité est très rigide, Paul ne peut pas frapper en diagonale, idem pour les déplacements. Quand on sait qu'il faut appuyer deux fois dans une même direction pour que Paul se mette à courir, chaque changement de direction interrompent sa course. Si ce gameplay de l'ex-URSS peut rebuter de prime abord, sachez que l'on finit assez étrangement par l'apprécier. J'ai fait le jeu dans son intégralité pour les besoins du papier et  je me suis surpris à prendre du plaisir à diriger Paul bien que les premières heures de jeu furent laborieuses. 

[RETROGAMING] Illusion of Time / Snes

A noter également que le jeu est une quasi ligne droite, la seule quête secondaire étant la recherche des 50 rubis de feu de Samuel le bijoutier cachés dans les villages et les donjons. Les récupérer dans leur intégralité vous mènera à un boss optionnel. Les boss, à l'image de tous les ennemis du jeu, sont des créatures fantasmagoriques dont le design puise parfois dans diverses mythologies voire même de la réalité. Les statues qui s'animent de la grande muraille de Chine sont par exemple librement inspirées de l'armée en terre cuite du mausolée de l'empereur Qin. Ce "melting pot" entre création et références culturelles trouve ainsi sa propre identité. 

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Côté réalisation, le jeu oscille entre le bon et le très bon. Certains design sont inspirés et d'autres sont pour le moins oubliables, notamment les intérieurs des habitations. le mode 7 est à l'honneur pour les déplacements sur la carte du monde, autant dire que le fameux zoom de la SNES pique les yeux de nos jours, le mode 7 quoi !
 
La bande son du jeu composée par Yasuhiro Kawasaki est quant à elle une grande réussite, un modèle du genre. Certains thèmes trottent dans la tête bien longtemps après l'extinction de la console. La flûte de pan confère par moment cette aura mystique au soft et cette sensation de dépaysement indispensable à l'immersion souhaitée pour un jeu d'aventure. 

Je privilégie toujours le plaisir de jeu au scénario, rien ne m'irrite plus qu'une histoire, fusse t-elle super bien fichue, au détriment du pad. Illusion of Time est un cas à part. Car je reconnais bien volontiers que le soft n'a pas le tiers des qualités ludiques d'un A link to the Past. Alors pourquoi diantre occupe t-il un telle place dans mon cœur de joueur ?

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Si le scénario d'Illusion of Time peut paraître de prime abord innocent, voire cucul et convenu, il distille progressivement une gravité profonde, une mélancolie désarmante et ce en abordant des thèmes à mille lieux du manichéisme que l'on nous sert habituellement.  IOT ne fait que poser des questions morales bien souvent dérangeantes, à charge au joueur de trouver les réponses. L'esclavagisme, le progrès, la mort, la condition animale... le propos d'un jeu en avance sur son époque, l'esthétique enfantine et la naïveté des personnages contrastent fortement avec le désespoir qui se dégage des échanges avec les personnages que l'on rencontre au fil du jeu. La candeur de ces enfants entre amourette et chamaillerie n'est pas une écriture au rabais. C'est un espoir face à des adultes corrompus qui ne font bien souvent que sauver les apparences. Par ailleurs de nombreux fantômes vous feront part de leur regrets éternels, ou encore de leur pessimisme quant à la pertinence des choix de l'humanité. Paul et ses amis doivent sauver le monde, mais mérite t-il de l'être? 

[RETROGAMING] Illusion of Time / Snes
[RETROGAMING] Illusion of Time / Snes

IOT est tout à fait à l'image d'un enfant qui balance en toute innocence à ses parents une punchline qui fait mal "pourquoi ça existe la guerre" et qui nous met face à notre propre humanité.

Le jeu n'hésitera d'ailleurs pas à briser les codes du jeu d'action en imposant des scènes de contemplation "in game", obligeant le joueur à ne rien faire pendant parfois plusieurs minutes! Ne fuyez-pas pour autant, ces moments sont rares dans le jeu et la lecture d'un adulte de ces scènes est toute autre. Je suis passé à côté de la scène du radeau pendant des années, qui me faisait pester au possible à l'époque tant elle me semblait interminable. Paul dérive avec Flora en pleine mer pendant des jours, quasiment sans ne rien faire sinon de se découvrir mutuellement. Avec le recul, cette narration imposée à l'époque ou les cut-scenes n'existaient pas sert remarquablement la narration. Autre exemple, vous devez à un moment de l'aventure faire la queue pendant des plombes devant "l'Apple store" du jeu... je suis un imbécile de n'avoir rien compris à l'époque du message qui m'était adressé... 


En cela Illusion of Time a des airs de chef d'oeuvre car il ne fait aucun compromis. A partir d'une histoire en apparence banale, il sème ça et là l'air de rien des graines morales ou métaphysiques qui finissent invariablement, avec le temps, par germer chez le joueur. Un jeu qui vous impose parfois de vous arrêter de jouer(!), pour finalement mieux vous cueillir par la suite. Un jeu qui n'hésite-pas à proposer un final de plus de 20 minutes pour définitivement enfoncer le clou. La douzaine d'heures nécessaire pour terminer le jeu laisse alors place aux souvenirs aigres-doux de cette merveilleuse aventure. Illusion of Time est en définitive un jeu qui sait prendre son temps pour que vous ne perdiez pas le vôtre.

SUPPOS : 5/6

Publié dans RETROGAMING

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Commenter cet article

S
ça donne envie d'y jouer
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W
Exact, bien écrit ce test, bravo déjà pour ça !<br /> <br /> Tu décris exactement ce que j'ai ressenti lorsque j'y ai joué, merci pour ce partage.<br /> <br /> Un super jeu, plus profond qu'il n'y parait !
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G
Merci pour la qualité d'écriture de ce test.<br /> <br /> "Illusion of Time est en définitive un jeu qui sait prendre son temps pour que vous ne perdiez pas le vôtre."<br /> <br /> => Très belle conclusion !
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